Travail à temps partiel, carrières interrompues par la maternité, emplois moins bien rémunérés… Si les femmes représentent environ 48% de la population active française (Insee), leur situation sur le marché de l’emploi reste plus fragile que celle des hommes. Dans l’intérim, les femmes ne représentent que 35% des intérimaires. Comment expliquer ce décalage ? Et comment lutter pour davantage de parité ? Dans le cadre de ses Trophées de l’intérim 2023, Coffreo a souhaité mettre en lumière les acteurs de l’intérim qui s’engagent en faveur de l’emploi des femmes et de la parité. Découvrez les lauréats de ces trophées et les bonnes pratiques pour s’en inspirer.
Trophée de l’emploi des femmes et trophée de la parité : 6 lauréats
Pour ce sujet hautement important, Coffreo a souhaité récompenser deux types de performance :
- Emploi des femmes : les structures avec le taux le plus élevé de missions confiées à des femmes
- Parité : les structures qui présentent le taux d’emploi hommes/femmes le plus proche de 50/50
Dans la catégorie Emploi des femmes, les lauréats sont les suivants :
- Le réseau Epitech, qui intervient à Paris, Lyon, Nantes, Reims, Marseille, Montpellier et Roanne
- L’agence Mila Intérim et recrutement en crèche, spécialisée dans le secteur de la petite enfance
- L’agence Partnaire Orléans Tertiaire, l’une des 190 agences du groupe Partnaire, spécialisée sur les métiers du tertiaire
Dans la catégorie Parité, ce sont trois acteurs qui se sont distingués :
- Le réseau Social & Co, spécialiste du secteur social et médico-social en Île-de-France
- L’agence Actual TCSA qui fait partie des 600 agences du groupe Actual et qui est dédiée à l’entreprise utilisatrice Thermal Control Systems Automotive située près de Laval
- L’agence Alternativ’Emploi de Deauville, qui appartient à un réseau de 12 agences généralistes situées en Normandie et Pays de la Loire
Parité homme / femme : un sujet complexe
« Le fait que nous ayons obtenu le Trophée de la Parité, c’est à la fois un concours de circonstances et le résultat d’un travail de fond, car ce n’est pas évident d’avoir autant d’hommes que de femmes, surtout dans le secteur social et médico-social où il y a traditionnellement plus de femmes », souligne Azdine Zeggou, directeur de l’agence Social & Co. Dans le social, il est pourtant important de pouvoir s’appuyer sur la mixité : « Les filles préfèrent parfois se confier à une éducatrice plutôt qu’à un éducateur et vice versa pour les garçons. C’est important que l’on puisse proposer cette possibilité », poursuit Azdine Zeggou.
Au-delà des enjeux relatifs à la parité, tous les lauréats notent que l’emploi des femmes est encore pénalisé par des stéréotypes et des craintes infondées. « Au départ certains clients disent vouloir des personnes entre 30 et 40 ans, principalement des hommes parce qu’ils ne veulent pas de soucis de maternité. Heureusement, en sélectionnant nos profils en fonction des capacités, mais aussi de la personnalité par rapport à la structure, on arrive à faire évoluer les mentalités et à agir concrètement face à ce sujet d’inclusion, pour avoir un vrai impact sociétal positif », assure Pierrick George, directeur région Auvergne Rhône-Alpes chez Epitech.
Alors, comment les agences d’emploi peuvent-elles agir pour aider les entreprises utilisatrices (EU) à être plus ouvertes dans leurs choix d’intérimaires ? Panorama des bonnes pratiques observées chez les lauréats des Trophées de l’intérim.
Emploi des femmes : les bonnes pratiques pour aller vers davantage de parité
Recruter sans CV pour privilégier les soft skills
Du fait des congés maternité et parentaux, il n’est pas rare que les femmes aient moins d’expérience sur leurs CV. Aussi, une bonne pratique pour favoriser l’emploi des femmes consiste à se détacher de l’importance du sacro-saint CV pour s’axer davantage sur les soft-skills que les compétences pures et dures. « On pourrait ne pas penser à une femme sur un type de poste alors qu’elle saurait s’adapter et qu’elle a les compétences. C’est pourquoi chez Partnaire Orléans Tertiaire, il nous arrive de recruter sans CV. On prend le temps d’échanger avec le ou la candidate, pour creuser sur ses motivations professionnelles et son savoir-être, et voir comment on pourrait l’intégrer dans une entreprise. En arrêtant de mettre les gens dans des cases, on ouvre le champ des possibles », explique Virginie Trindade, responsable de l’agence Partnaire Orléans Tertiaire, par ailleurs signataire de la Charte de la Diversité.
Concrètement, l’agence effectue une pré-sélection des candidats, basée sur leurs motivations et leur savoir-être, à l’aide de tests, de jeux de rôle et de mises en situation. L’objectif : faire ressortir des appétences et des compétences qui n’auraient pas été détectées sur le CV. Ainsi, le recrutement sans CV permet d’apporter des candidatures pertinentes, auxquelles les entreprises utilisatrices auraient pu être réfractaires en se basant uniquement sur le CV. « C’est rare d’avoir des profils qui cochent toutes les cases sur le papier. En raison de préjugés, certains de nos clients peuvent passer à côté de talents. Lorsqu’on les aide à être plus ouverts, en privilégiant la personnalité plutôt que la technicité, ils nous remercient d’avoir su détecté un talent qu’ils n’auraient peut-être pas sélectionné spontanément», ajoute Rachid Gammar, directeur Epitech Nord de la France.
Faire de la pédagogie auprès des entreprises utilisatrices pour lutter contre les préjugés
L’idée que certains secteurs sont des « mondes d’hommes », nécessitant d’avoir de la poigne et un répondant que les femmes n’auraient pas, a encore la vie dure. Dans ce contexte, les agences d’emploi ont un rôle à jouer pour inviter leurs clients à des pratiques inclusives, afin de lutter contre les discriminations.
La révolution est déjà en marche : dans le bâtiment, il est de plus en plus fréquent de voir une femme conductrice de travaux, ce qui était encore très rare il y a quelques années. Chez les bailleurs sociaux comme dans les transports en commun, les entreprises utilisatrices se rendent compte qu’avoir une femme peut permettre d’apaiser les conflits. Face à la pénurie de candidats, les entreprises s’ouvrent de plus en plus et ne sont pas à l’abri d’une belle surprise…
« Nos clients nous demandent parfois explicitement un homme ou une femme sur certaines tâches. Notre rôle, c’est aussi de les accompagner sur ce sujet pour faire évoluer les mentalités. Et c’est toujours une fierté lorsqu’ils admettent sur certains postes que leurs préjugés étaient faux ! Ces dernières années, nos clients ont fait un bel effort là-dessus. Aujourd’hui on voit des femmes maçons, déménageurs… », témoigne Lorène Gratier, responsable des agences Alternativ’Emploi de Deauville et Lisieux. « On sent qu’il y a une prise de conscience de la part de nos clients, que la culture est en train de changer », confirme Rachid Gammar d’Epitech, qui mise sur la relation de confiance établie avec les EU pour les amener à évoluer.
Et parce que la parité va dans les deux sens, l’inverse est valable pour les métiers jusque-là très féminins, comme les postes en usine qui nécessitent d’effectuer des petites tâches méticuleuses, pour lesquels la mixité représente aussi un atout.
Miser sur la formation pour féminiser des professions jusque-là masculines
Dans certains secteurs comme l’industrie ou le bâtiment, il est encore difficile d’atteindre la parité car les femmes ont a priori peu d’appétence pour des postes très techniques, tels que la maintenance industrielle par exemple. Pour lutter contre l’auto-censure, il convient de mettre en place des formations, pour faire découvrir aux profils féminins ces métiers éloignés de leur zone de confort et éventuellement susciter des vocations. En montant des projets de formation, les agences parviennent à faire monter en compétence les candidats et à répondre à la pénurie de talents.
« Les mentalités évoluent et les cartes sont rebattues : il y a de plus en plus de femmes qui se forment à des métiers d’hommes et inversement des hommes qui vont dans des métiers de femmes, tels que sage-femme ou assistant de direction », assure Lorène Gratier, d’Alternativ’Emploi.
S’adapter aux contraintes personnelles des salariés
Favoriser la parité, c’est aussi savoir s’adapter aux situations personnelles des salariés. Chez Mila Intérim, dont la spécialisation sur des métiers traditionnellement plutôt féminins favorise naturellement l’emploi des femmes, on met en place des pratiques spécialement adaptées à ce public. « Notre agence propose un parcours adapté aux femmes, elles-mêmes souvent mères, afin de faciliter leur épanouissement. Ces femmes, pour une grande partie, ont volontairement fait le choix de l’intérim car cela leur permet de travailler tout en disposant de plus de souplesse et de liberté pour gérer leur planning et leurs obligations familiales. En outre, elles peuvent bénéficier avec l’intérim d’une rémunération un peu plus élevée, dans un secteur du social où le sujet des salaires est une problématique », explique Stéphanie Gautun, directrice opérationnelle de l’agence.
Être sensibilisé à la parité et arbitrer en fonction
Lorsque les équipes sont sensibilisées à la lutte contre toute forme de discrimination, les collaborateurs sont plus attentifs à leurs pratiques de recrutement. Une autre bonne pratique constitue à rédiger les offres d’emploi de manière inclusive. « Au-delà du simple titre H/F, si le poste proposé concerne un métier connoté plutôt masculin, on va essayer d’utiliser des termes plus neutres pour ne pas bloquer la candidature des femmes », explique Pierrick George d’Epitech. « On met davantage en avant les soft skills pour inciter les femmes à s’y reconnaître et dépasser les limites qu’elles se posent trop souvent, par manque de confiance », complète son collègue Rachid Gammar.
Et puis parfois, pour œuvrer en faveur de la parité, il suffit tout simplement de savoir compter : « Si nous avons deux personnes compétentes pour le même poste, on regarde si on a pris plus de femmes ou d’hommes et on essaie d’équilibrer les choses », conclut Azdine Zeggou, directeur de l’agence Social & Co.