Olivier Langlois pilote la stratégie Produit et Data de Coffreo, un poste à la croisée de deux expertises qu’il estime indissociables. Avec plus de 30 ans d’expérience dans le secteur tech – dont 25 passés chez Microsoft dans des équipes internationales -, il a toujours accordé une place centrale à la donnée pour construire des produits utiles, efficaces et pensés pour leurs utilisateurs.
Ce “très gros consommateur de données” revendiqué revient sur son parcours et sur l’importance croissante de l’analyse des données dans les agences d’intérim et les employeurs contrats courts. Il partage aussi les dernières avancées menées chez Coffreo : création d’une Plateforme de données, avec pour objectif de proposer, au second semestre 2025, les premiers indicateurs utiles pour nos clients, notamment sous forme de tableaux de bord.
Olivier, pouvez-vous vous présenter svp ?
Olivier Langlois : j’ai rejoint Coffreo fin 2023, d’abord pour piloter la stratégie Produit puis, quelques mois plus tard, j’ai pris en charge l’équipe Data. C’était une belle opportunité de réunir deux domaines qui, pour moi, sont intimement liés. Même si je viens du monde du produit, j’ai toujours été un très gros consommateur de données, donc cette double casquette me correspond bien.
Avant Coffreo, j’ai passé plus de 30 ans chez Microsoft, dont 25 dans des fonctions produit. J’ai notamment dirigé une équipe internationale de Product Managers sur Bing. L’objectif était d’améliorer la qualité du moteur de recherche et de lancer de nouvelles expériences comme le suivi en temps réel des événements sportifs. Mon dernier challenge a été de recruter en Europe une équipe produit pour accompagner des éditeurs de logiciels à construire des applications s’intégrant à Microsoft Teams, afin d’offrir plus de valeur aux utilisateurs.
Vous dites être un “consommateur de data”. Qu’est-ce que cela signifie dans votre métier ?
Olivier Langlois : Pour moi, consommer de la data, c’est s’en servir comme base pour prendre de meilleures décisions et être plus efficace : prioriser les développements, comprendre l’usage réel du produit, estimer le potentiel de revenu, valider une intuition ou, au contraire, s’en détacher si les chiffres disent autre chose.
La data, c’est aussi ce qui permet de mesurer l’impact réel d’une nouvelle fonctionnalité une fois mise en ligne. Est-ce qu’elle touche 1 % ou 10 % des utilisateurs ? Est-ce qu’elle est découverte, adoptée ? Est-ce que les utilisateurs arrivent à faire ce qui est prévu ? Sans ces indicateurs, on navigue à vue.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans le projet Coffreo ?
Olivier Langlois : Ce qui m’a tout de suite frappé chez Coffreo, c’est l’ampleur du potentiel. La solution est utilisée par des centaines de milliers de travailleurs chaque mois, et aussi par des milliers de professionnels côté employeurs. C’est rare de trouver une entreprise avec un tel ancrage sur le marché. Cette base d’utilisateurs offre beaucoup d’opportunités pour enrichir les usages et proposer plus de valeur aux travailleurs et à leurs employeurs.
Quelles sont vos missions au quotidien en tant que Head of Product & Data ?
Olivier Langlois : Côté produit, ma mission consiste à définir et mettre en œuvre la stratégie Produit et Données, à construire et faire évoluer la roadmap, et à améliorer la qualité de l’exécution pour que Coffreo livre à ses clients et utilisateurs les bonnes fonctionnalités, au bon moment.
Sur la partie data, le défi est d’un autre ordre. Coffreo dispose d’une quantité considérable de données, mais elles restaient jusqu’à récemment peu exploitées. Aujourd’hui, l’objectif est de bâtir une Plateforme de données afin de rendre ces informations accessibles à nos clients et utilisateurs, pour les aider à prendre les bonnes décisions pour leur activité. Il y a tant à faire pour aider les travailleurs et leurs employeurs notamment dans l’intérim !
Justement en quoi la data est-elle l’avenir des agences d’emploi ?
Olivier Langlois : La data est essentielle pour les agences car elle leur permet non seulement de mieux comprendre les attentes de leurs clients et de leurs intérimaires, mais aussi d’optimiser leurs processus de recrutement et de fidélisation. En analysant les données, les consultants sont en mesure d’identifier les meilleurs profils et les missions qui les motivent, d’anticiper les besoins de leurs clients et de prendre de meilleures décisions opérationnelles et stratégiques, plus rapidement.
Notre ambition est d’offrir aux agences une meilleure compréhension de leur activité, une sécurisation de leurs processus et une amélioration de la satisfaction de leurs intérimaires et de leurs clients, le tout sans expertise technique à mobiliser en interne.
Le sujet de l’IA est souvent lié à celui de la data. Comment l’IA peut-elle apporter plus de valeur aux agences ?
Olivier Langlois : Bien sûr, l’IA est une innovation majeure pour multiplier les bénéfices que la data peut apporter aux employeurs mais aussi aux intérimaires.
Un premier exemple tout simple concerne la rédaction d’une offre d’emploi : grâce à l’IA on peut générer la description de l’annonce ou bien améliorer une description existante afin de la rendre plus attractive.
Un second exemple concerne l’identification de qualifications spécifiques demandées par un client : certaines de ces qualifications peuvent avoir des noms ou des abréviations différentes ce qui peut rendre la recherche dans une base de candidats très fastidieuse. L’IA est capable de prendre en compte les éléments de contexte d’un CV afin de présenter les profils répondant le mieux aux qualifications attendues pour permettre à l’agence de répondre au mieux aux attentes de son client.
En résumé, la data et l’IA sont un incroyable levier d’efficacité pour les agences.
Comment Coffreo peut-il les aider à aller plus loin dans cette démarche ?
Olivier Langlois : En échangeant avec nos clients, j’ai constaté qu’ils comprennent très bien l’intérêt des données. Pour en extraire toute la valeur, un investissement conséquent en termes de ressources et d’expertise est nécessaire pour structurer et exploiter ces données. Dans l’intérim, la pression et l’urgence permanentes rendent un tel investissement compliqué à piloter et à valoriser.
C’est à partir de ce constat qu’en octobre 2024, j’ai lancé le projet Plateforme de données de Coffreo. En décembre, nous avons démarré notre première phase d’exploration avec des clients intéressés sur le sujet des tableaux de bord. Nous avons échangé avec eux pour comprendre leurs priorités et leurs contraintes. Nous avons initialement pris le parti de nous concentrer sur les données RSE. Dans les prochains jours, nous allons approfondir les cas d’usage sur les données liées au cœur de métier de nos clients de l’intérim : répondre aux besoins des entreprises utilisatrices et accompagner leurs intérimaires.
Concrètement, que comptez-vous proposer ?
Olivier Langlois : Au second semestre 2025, nous allons livrer nos premiers tableaux de bord (Dashboards). Nous choisirons l’ordre de mise à disposition de ces dashboards (cœur de métier, RSE ou autre) en fonction des retours de nos clients.
Le Dashboard cœur de métier aura pour objectif de se concentrer sur les données opérationnelles car c’est une demande forte de nos clients. Nous voulons leur fournir des informations qui les aident à piloter leur activité pour plus d’efficacité. Nous avons déjà plusieurs pistes sur les données les plus intéressantes pour nos clients et au travers de nos échanges, nous déterminerons les indicateurs les plus pertinents à fournir.
Concernant le Dashboard RSE, nous voulons aider les agences à prendre du recul sur leur activité, en leur fournissant des indicateurs simples et pertinents liés à leur impact social. Concrètement, elles pourront suivre des données comme la parité femmes-hommes, la moyenne des salaires bruts horaires, ou encore la répartition par classe d’âge des intérimaires. Autant de sujets qui font écho à leurs missions : écouter les travailleurs, répondre aux attentes des clients et faciliter l’insertion professionnelle.
Pour vous, quel est le point d’attention à avoir quand on construit des solutions data ?
Olivier Langlois : L’un des principaux écueils à éviter, c’est de confondre corrélation et causalité. Ce n’est pas parce que des données se ressemblent ou évoluent en parallèle qu’il existe un lien réel entre elles.
Un exemple classique : quand la température monte au-dessus de 25°C, la consommation de glaces augmente. Ce lien est logique, démontré et appuyé par les données. Mais on peut aussi tomber sur des causalités absurdes. Tyler Vigen, un consultant américain, s’est amusé à repérer les corrélations statistiques les plus farfelues. Par exemple, aux États-Unis, le nombre de films avec Nicolas Cage semble corrélé au nombre de morts par noyade dans des piscines. Bien sûr, ce genre de parallèle n’a aucun sens, mais les courbes sont corrélées.
Dans un contexte business, les pièges sont plus subtils. Si par exemple on observe que les intérimaires qui travaillent au moins 10 jours par mois donnent une meilleure note de feedback sur leur mission que ceux qui travaillent moins de 5 jours. Est-ce que je peux en déduire que si je veux augmenter la note de feedback, je dois augmenter le nombre d’intérimaires qui travaillent au moins 10 jours par mois ? Probablement pas ! Un feedback de mission est probablement plus influencé par le contenu de la mission, l’accueil du client ou la personnalité de l’intérimaire.
Au travers de notre démarche et de notre travail, nous souhaitons accompagner les agences dans leur usage et leur interprétation des données afin qu’elles soient un vrai levier d’action, et non une source d’erreurs ou de raccourcis. Il s’agit de ne pas tirer de conclusions hâtives, mais à replacer les données dans leur contexte, à bien distinguer ce qui relève de la tendance, de la causalité ou du pur hasard.
Selon vous, dans 5 ans, quelles transformations majeures les agences vont-elles connaître grâce à la montée en puissance de la data ?
Olivier Langlois : La data ne va pas conférer des dons de voyance au personnel des agences d’intérim : on ne pourra jamais prédire qu’un intérimaire va se casser la jambe et qu’il faudra le remplacer en urgence. Mais la data combinée à l’IA va profondément changer la manière dont les agences abordent leur métier, en leur permettant d’anticiper davantage et de se concentrer sur l’important de leur métier.
Prenons un cas concret : un client a besoin chaque année de 30 intérimaires pour gérer ses colis de Noël. Aujourd’hui, on recommence souvent de zéro chaque saison, avec tous les aléas que cela implique. Demain, avec les bonnes données, l’agence pourra proactivement anticiper la demande client, identifier les profils envoyés l’année précédente ayant donné satisfaction, disponibles et prêts à revenir. Résultat : plutôt que de devoir en recruter 30, il n’y en aura peut-être plus que 15 à trouver.
C’est ce genre de gain qui change tout : moins d’incertitude, plus d’anticipation, plus de qualité dans le service rendu aux clients. On passe d’une logique de réaction à une logique de proactivité.
Bien sûr, il y aura toujours une part d’imprévu, un client qui appelle à 17h50 pour le lendemain. Mais si grâce à la data et à l’IA, on peut réduire le nombre de situations subies, c’est déjà une avancée majeure !
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