Pour mieux comprendre l’impact de ces enjeux, Stéphane Maas, Directeur de Transitions Pro Île-de-France partage son expertise sur la façon dont Transitions Pro prépare et accompagne la reconversion professionnelle des travailleurs dans le contexte de cet événement international.
En quoi le sujet de la transition professionnelle et du reclassement est important dans le cadre des JO Paris 2024 ?
Stéphane Maas, Directeur général de Transitions Pro Ile-de-France
L’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, avec la venue de près de 15 000 athlètes et 13 millions de spectateurs, pose de nombreux défis. L’afflux massif de visiteurs, la nécessité de leur proposer des logements et leur permettre de circuler en sécurité, ainsi que la construction des sites olympiques et paralympiques mobilisent plus de 151 000 employés.
Les emplois de l’organisation concentreront plus de 89 300 emplois (événementiel, sécurité, propreté) dont des besoins ponctuels en recrutement comme pour les métiers de la sécurité ou du bâtiment et des travaux publics. Entre 22 000 et 35 000 agents seront nécessaires pour la sécurisation des sites de compétition. Ces besoins porteront principalement sur les métiers d’agents de sécurité et d’incendie. Quant au secteur du tourisme, les besoins sont évalués à 61 000 emplois portant notamment sur les métiers de la cuisine, de la conduite, de la vente, de l’accueil.
L’ensemble des acteurs de l’emploi, des compétences et des qualifications sont donc mobilisés pour répondre à cet enjeu central, celui de favoriser une réponse concertée aux besoins générés par cet événement international, certaines filières pouvant avoir plus de difficultés à recruter.
C’est notamment le cas dans la sécurité. Transitions Pro Île-de-France le constate. La reconversion via notre dispositif Projet de Transition Professionnelle (PTP) a été divisée par 4 depuis 2019. Cette tendance est couplée avec des salariés de la sécurité qui se reconvertissent plus que d’autres dans des métiers d’autres branches professionnelles, comme les services aux particuliers et collectivités ou encore les transports logistiques.
Les besoins importants liés aux JOP ont tendance à renforcer les tensions en matière de recrutement.
Avec les opérateurs du Conseil en Evolution Professionnelle (CEP), en lien avec l’OPCO AKTO et la branche, nous valorisons par exemple les parcours de salariés s’étant reconvertis dans la sécurité et les perspectives d’évolution dans le secteur grâce à la reconversion, en mettant notamment en avant les évolutions positives de ces métiers, telles que la hausse des salaires minimaux conventionnels de 7,5 % des agents de sécurité privée au 1er janvier 2023, critère important dans le choix des salariés souhaitant se reconvertir, notamment chez les plus jeunes.
Par ailleurs, nous n’omettons pas de préparer l’après JOP, car certains recrutements peuvent ne répondre qu’à un besoin conjoncturel. C’est dans ce contexte, par exemple, que nous avons repositionné la deuxième édition de notre salon « Générations Reconversion » pour 2024 après les JOP.
Quelle est la mission de Transitions Pro ? Comment êtes-vous organisé au niveau national ?
Les associations Transitions Pro sont les partenaires des salariés qui souhaitent se reconvertir. Elles sont présentes dans chaque région, coordonnées par l’association paritaire nationale Certif ’pro, en lien avec l’ensemble des acteurs nationaux et régionaux.
Partout en France, Transitions Pro s’investit pour faciliter la reconversion des salariés du privé.
Pour cela nos équipes :
- Identifient les besoins en matière d’emploi et compétences dans leur région ;
- Développent des partenariats avec l’ensemble des acteurs territoriaux en charge de l’emploi, des compétences et des qualifications ;
- Informent et accompagnent les salariés vers les partenaires territoriaux (CEP, organismes de formation, Pôle Emploi, APEC…) ;
- Instruisent les demandes et financent le projet de transition professionnelle, mais aussi la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) et la transition collective ;
- Promeuvent CléA, et nos paritaires sont jury de délivrance de cette certification. CléA vise à attester d’un niveau de connaissances nécessaire pour l’exercice d’une activité professionnelle ;
- Attestent du caractère réel et sérieux des projets de démission ou reconversion ;
- Contrôlent la qualité des formations dispensées.
Depuis 2020, le réseau des Transitions Pro a financé plus de 160 000 projets de reconversion professionnelle.
Comment Transitions Pro organise-t-il les formations en lien avec les JO Paris 2024 ? Avec quels acteurs travaillez-vous ?
Transitions Pro Île-de-France, par son positionnement interprofessionnel et ancré dans le territoire, constitue un acteur central des reconversions. Nous travaillons en étroite collaboration notamment avec les OPCO, les branches, les entreprises, les CEP, les organismes de formation, mais aussi la DRIEETS, Paris 2024 et la Région avec son agence Oriane.
Ceci nous permet de mieux connaître les besoins en formation dans le cadre des reconversions, mais aussi l’offre existante.
Ces partenariats nous permettent en outre de lever des co-financements pour accroître notre capacité d’accompagnement des projets. En 2023, cela représente 160 M€ de dotation de France Compétences complétés par 10 M€ de co-financement.
Lors de la première édition de notre salon « Générations Reconversion » en 2023, qui a rencontré un franc succès, nous avons d’ailleurs organisé plusieurs conférences sur le sujet ; des entreprises étaient venues à cette occasion pour recruter et des organismes de formation pour présenter leurs offres.
Nous avons par ailleurs lancé cette année une plateforme numérique pour les salariés souhaitant se reconvertir, présentant l’offre de formation des organismes que nous finançons en lien avec les métiers en tension. Notre objectif est de faciliter à l’accès à une information qualifiée favorisant le succès du parcours de formation.
Nous organisons de nombreux webinaires sur le sujet à destination des organismes de formation, des entreprises et des salariés. Nous intervenons aussi régulièrement auprès de fédérations, notamment des entreprises de formation.
En 2024, nous lancerons une plateforme numérique qui aura pour objectif de faciliter le passage à l’action des salariés. Ce projet résulte d’une étude poussée auprès des parties prenantes de l’écosystème et doit répondre à un manque décelé. Il s’agira ainsi d’un outil à forte valeur ajoutée qui pourra aussi servir pour mieux accompagner les salariés mobilisés pour ces jeux, qui pour certains devront se reconvertir.
Est-ce qu’il y a des budgets spécifiques alloués à la formation pour les JO ?
Il n’y a pas de budget spécifique alloué aux JOP. Toutefois, la liste des métiers à forte perspective d’emploi ou métiers émergents porteurs que nous élaborons et réactualisons au minimum 1 fois par an intègre bien évidemment les besoins des JOP.
Cette liste est utilisée notamment pour prioriser le financement des projets de transition professionnelle. Elle est bien spécifique à chaque région.
Ainsi, en Île-de-France par exemple, pour la période 2023-2024, une centaine d’emplois porteurs a été identifiée dans les secteurs du transport, du tourisme et de l’hôtellerie restauration.
Depuis 2021, Transitions Pro Île-de-France a financé environ 1 300 dossiers dans les secteurs des JOP : 92 % en PTP et 8 % en VAE.
Vers quel type de métiers faut-il amener les travailleurs pour cet événement ? Quels sont les métiers en tension dans la région ?
La liste des métiers est disponible sur TransitionsPro.
Depuis 2021, en cohérence avec notre liste des métiers prioritaires en lien avec les JOP, nous avons financé :
- 722 dossiers dans le transport/logistique avec un taux d’acceptation de 83 % des dossiers déposés ;
- Pour l’hôtellerie/restauration : 219 avec un taux d’acceptation de 83 % ;
- Pour la communication et le marketing 95 dossiers financés avec un taux d’acceptation de 64 % ;
- Nous finançons aussi des projets dans le secteur de la sécurité, du tourisme, de la propreté et du spectacle vivant.
Notre dernière étude sectorielle – Jeux Olympiques et Paralympiques de novembre 2023 présente ainsi les principaux métiers par secteur avec le nombre d’emplois, le taux de difficulté de recrutement par emploi et les conditions pour exercer cet emploi.
Comment est établie la liste des métiers en tension ?
Transitions Pro Île-de-France s’est doté d’un pôle études et d’un data manager afin d’être en capacité notamment de répondre au mieux aux prérequis de la constitution de cette liste et de son actualisation.
Nous travaillons en étroite collaboration avec les OPCO et les divers Observatoires et étudions les sources de données idoines (études et rapports de France Stratégie, France Compétences, CESE…). Nous consultons aussi des informations telles que celles de la Dares ou du ROME 4.0.
Avez-vous déjà des premiers éléments pour commencer à dresser un bilan de vos actions ?
Il est encore trop tôt pour tirer un premier bilan de l’étape préparatoire au déroulement de ces jeux.
Par exemple, le BTP est un secteur qui a été fortement sollicité pour la construction des infrastructures et va continuer à l’être jusqu’au dernier moment.
Et pourtant, ce secteur entre dans une période difficile (inflation, hausse des taux de crédit, fin de certains dispositifs…).
Nous constatons, une légère hausse du public issu de ce secteur s’adressant à nous, mais il nous semble prématuré d’en faire une analyse pertinente à ce stade.
Cette demande est-elle issue de l’entrée en récession du bâtiment, des mesures prises sur l’usure au travail ou de la fin de certains travaux structurants en Île-de-France liés au Grand Paris par exemple ?
Nous nous laissons encore un peu de temps pour en tirer des éléments d’analyse que nous souhaitons les plus pertinents possible.
Dans tous les cas, nous anticipons le post JOP des reconversions, dont le volume prévisionnel est en cours d’évaluation.