Ce 6 juin 2022, Coffreo fête ses 15 ans ! Né d’une idée pionnière, celle de digitaliser la relation entre les agences d’emploi et les travailleurs temporaires, Coffreo a su devenir en 15 ans le leader de la digitalisation de la gestion du personnel temporaire, qu’il soit en intérim ou sous contrat court (CDD, extra, intermittent, vacataire, saisonnier…). Cette date anniversaire nous donne l’occasion de revenir sur les 15 ans écoulés et les 15 ans à venir, avec Emmanuel Cudry, CEO et fondateur de Coffreo. Entretien.
Revenons aux origines : qu’est-ce qui a motivé la création de Coffreo il y a 15 ans ?
Emmanuel Cudry : Tout est parti d’une idée un peu saugrenue fin 2005 : digitaliser la relation entre les agences d’intérim et leurs travailleurs temporaires. A l’époque, j’occupais des fonctions IT chez l’un des leaders de l’intérim français, VediorBis et j’avais été amené à travailler sur la création d’une plateforme visant à digitaliser la relation entre les agences de travail temporaire et leurs clients, plateforme qui a vu le jour en 2005 grâce à ses trois actionnaires, Adecco, Manpower et VediorBis. Une fois ce projet bouclé, j’ai proposé de digitaliser ensuite la relation entre les agences et leurs travailleurs, mais le projet n’a pas intéressé à l’époque. Cela avait pourtant du sens, car il existe une grande symétrie de la relation : là où l’agence a un contrat avec une entreprise utilisatrice, elle en a aussi un avec le travailleur temporaire. Et là où il y a une facture, il y a bien plus de bulletins de paie. J’étais convaincu de la pertinence de mon idée. Fort de ma dizaine d’années d’expérience dans l’intérim, j’ai donc quitté l’entreprise pour évangéliser sur la pertinence et les apports de la digitalisation de cette relation avec les salariés temporaires. J’ai passé deux ans à explorer le marché, pour finalement créer Coffreo en 2007.
Cela a tout de suite marché ?
Honnêtement ? Non, pas vraiment ! Par contre, la bonne nouvelle c’est que 15 ans plus tard, on est toujours là, donc il y avait bien quelque chose à faire. La mauvaise, c’est que mes interlocuteurs avaient raison, le marché n’a pas décollé tout de suite, l’idée m’était venue un peu trop tôt. Coffreo a signé son premier client dans l’intérim en 2010 mais ce n’est qu’à partir de 2015 que tout s’est accéléré. A ce moment-là, les éditeurs d’ERP intérim ont commencé à développer des connecteurs avec Coffreo pour que leurs clients puissent enfin bénéficier d’une offre de dématérialisation. Cela nous a permis d’accéder à la moitié du marché français. Et comme les succès attisent l’intérêt, nos premiers concurrents sont arrivés en 2017. Il a donc fallu plus de 10 ans pour que ça décolle vraiment.
En repensant à cette histoire, c’est aussi pour moi l’occasion de remercier infiniment mes premiers clients. Ils m’ont fait confiance sur le papier, parce qu’à l’époque j’avais quelques slides avec une idée claire de ce que j’allais mettre en place pour eux, mais pas encore de solution opérationnelle !
Pourquoi personne d’autre que vous ne croyait à ce projet ?
Remontons à 2005. C’est le début d’internet pour le grand public, nous sortons d’une première bulle et les entreprises ne sont pas encore prêtes à franchir le pas pour aller vers des plateformes SaaS. C’était encore une informatique très propriétaire avec de l’achat de licence et je ne vendais que de l’usage tout en faisant disparaître quelque chose qui semblait immuable, le papier et le crayon…
En outre, beaucoup pensaient que les intérimaires n’utilisaient pas internet, n’étaient pas équipés. C’était impressionnant de voir cette dichotomie entre le monde professionnel et le monde personnel. Une perception vraiment surprenante alors que bon nombre de ces mêmes intérimaires étaient par ailleurs clients de eBay ou de Rue du Commerce pour ne citer qu’eux !
L’autre frein, c’était la crainte de perdre le lien avec les talents. Il faut bien comprendre qu’avant internet, une agence d’intérim c’était comme un hall de gare doublé d’une agence bancaire : ça rentrait en permanence pour savoir s’il n’y avait pas une mission à pourvoir, prendre des nouvelles du petit dernier, venir signer ses papiers… Mais beaucoup de points de contact ne concernaient en fait que de la gestion administrative : l’intérimaire venait récupérer son contrat, chercher son acompte ou son bulletin de paie.
L’idée de perdre ce lien, de supprimer cette partie de la relation, inquiétait grandement les agences d’emploi. Elles se demandaient comment elles allaient faire pour continuer à voir leurs intérimaires. Alors que l’utilisation de Coffreo permet simplement de s’affranchir des tracasseries administratives ! Plutôt que de courir après un intérimaire pour qu’il signe son contrat, les collaborateurs en agence bénéficient de davantage de temps pour rencontrer leurs talents, faire un point sur leur carrière, les aider à grandir professionnellement… Une fois que les agences ont compris que la sécurité et la productivité offertes par Coffreo leur permettaient de dégager un temps précieux pour des tâches à plus forte valeur ajoutée, elles ont adopté la solution.
Et vous, pourquoi y avez-vous cru à l’époque ?
Bonne question ! Réponse pas facile, car c’était pour moi une évidence. Je pense que je voyais les bénéfices des deux côtés, avec l’effet vertueux que cela peut avoir d’être dans des relations gagnantes-gagnantes :
- Les agences de travail temporaire gagnent en sécurité et en productivité en simplifiant grandement leur gestion administrative.
- Les travailleurs temporaires bénéficient d’une solution leur simplifiant la vie. Quand on enchaîne 30 à 80 missions par an, c’est pénible de se faire harceler constamment pour signer ses contrats, de devoir les renvoyer par courrier, de perdre du temps à rechercher un document précis dans la quantité phénoménale de documents reçus, de s’y retrouver parmi ses différents employeurs…
Au final, si Coffreo a su remporter l’adhésion des agences de travail temporaire et des intérimaires, c’est que j’ai pensé le service avec des bénéfices pour toutes les parties. Tout le monde y gagne. L’agence en termes d’automatisation, de fluidité de la relation, de réduction des risques et de coûts, le salarié temporaire en termes de tranquillité.
Quelles ont ensuite été les grandes étapes du développement de Coffreo ?
Une fois que la dynamique a été lancée sur le marché français de l’intérim, en 2016, nous avons réfléchi à étendre notre modèle à d’autres pays et d’autres secteurs. Nous nous sommes lancés commercialement en Allemagne en 2017 et aujourd’hui, nous avons signé 15% du marché. C’est un long chemin, car le marché de l’intérim allemand est beaucoup moins digitalisé que le marché français. Mais cela laisse de belles opportunités de croissance.
Dans le même temps, nous avons étendu notre solution au monde des contrats courts. Parce que tout compte fait, quand une personne travaille dans la sécurité, l’événementiel ou chez un traiteur, l’entreprise se retrouve avec les mêmes obligations et la même pénibilité dans sa relation administrative avec ses salariés que les agences d’emploi. Avant de pouvoir employer un extra pour une soirée à Roland Garros ou au Festival de Cannes, l’entreprise de traiteur doit lui avoir fait un contrat, lui sortir un bulletin de paie à la fin de la mission, une attestation Pôle Emploi… Idem dans l’événementiel, la sécurité, la propreté ou même la santé. Parce que nous parlons la même langue qu’eux, et que nos services sont parfaitement adaptés à leurs contraintes, nous avons étendu nos offres aux entreprises qui emploient régulièrement des salariés en contrat court.
En 15 ans, quelles sont les évolutions qui ont traversé le monde du travail temporaire ?
Le monde de l’intérim s’est extrêmement consolidé, même si de nouveaux acteurs continuent à entrer sur le marché. C’est un secteur qui se digitalise avec des approches très différentes en fonction des pays. La France a été très en avance, alors que des pays comme l’Allemagne et la Suisse sont plus prudents, pour ne parler que des pays où nous avons une activité.
Actuellement, le monde du travail temporaire est stressé par trois grands phénomènes :
- L’essor des agences virtuelles qui tirent souvent les prix vers le bas. De façon peu surprenante, elles finissent toutes par acheter ou ouvrir des réseaux d’agences.
- Le boom de la Gig economy, ce mouvement qui consiste à accumuler des petits boulots. Ce retour vers un monde payé à la tâche fait courir un vrai risque, car le moins disant est privilégié plutôt que la qualité et le respect des travailleurs.
- La pénurie de talents avec la forte reprise actuelle, à laquelle s’ajoute le souhait des salariés temporaires de voir leurs attentes prises en considération comme nous l’avons constaté lors de la grande enquête européenne que nous avons menée l’année dernière.
En termes d’évolutions technologiques, la démocratisation des smartphones et l’instantanéité que ces outils permettent ont évidemment changé la donne. Il y a une recherche effrénée de l’automatisation et du tout digital. Le point d’équilibre n’a pas encore été trouvé, car si la technologie est un véritable accélérateur, elle ne peut pas remplacer totalement l’humain. Elle est avant tout une aide à la décision. Il y a encore des éléments de contexte que le machine learning et l’intelligence artificielle ne savent pas traiter aujourd’hui. L’enjeu est de trouver le bon équilibre pour allier intelligemment technologie et perspicacité humaine.
Si on se tourne vers l’avenir, quels sont les enjeux qui attendent vos clients ?
En plus de cette capacité à allier technologie et contact humain, il existe un enjeu majeur autour de la donnée. La tendance actuelle est que chacun veut créer son portail ou son App avec l’espoir d’entretenir une relation privilégiée avec ses salariés temporaires. Je comprends parfaitement cette logique mais, en pratique, une telle approche rend la vie difficile aux salariés qui ont plusieurs employeurs et doivent donc avoir plusieurs App pour mettre à jour leurs données et disponibilités. C’est une vision du monde qui n’est pas centrée sur leurs besoins. Les employeurs doivent repenser la pertinence de la relation digitale, se demander à quels endroits il est intéressant d’avoir des interactions afin de capter la bonne donnée, utile à l’activité. Le nouveau défi, c’est de savoir comment accéder à ces données fraîches et fiables, au meilleur coût.
Enfin, il y a évidemment un fort enjeu autour de la fidélisation des salariés temporaires. Dans un marché qui devient pénurique, il faut agir sur la rétention. Or, la rétention ne peut se faire que s’il y a un alignement entre le discours et la réalité. Si l’employeur se targue de dire que ses talents sont importants et qu’il en prend soin, et que dans les faits, ce n’est pas le cas… Il ne pourra pas les retenir.
Je vais prendre un risque, mais en soi, la rétention peut être résumée simplement. Tout ce que cherchent les travailleurs temporaires c’est travailler, et si l’entreprise veut les garder, le meilleur chemin est de leur proposer des missions qui leur plaisent, en adéquation avec leur souhait de parcours professionnel et leurs aspirations.
De quoi êtes-vous le plus fier sur ces 15 dernières années ?
D’avoir réussi à créer un espace de confiance pour nos clients, une plateforme qui simplifie non seulement leurs processus, mais aussi la vie de millions de salariés temporaires. La fidélité de nos clients et les commentaires positifs de leurs salariés sont les plus belles des récompenses que nous recevons.
Je suis également fier de pouvoir compter sur une forte adhésion de mes équipes à la vision de l’entreprise. Elles sont toutes très impliquées dans la logique d’aider toujours plus les salariés temporaires, de leur rendre leur vie professionnelle plus facile. C’est toute la raison d’être de Coffreo : accompagner les salariés dans la durée, pour qu’ils puissent vivre le mieux possible leur période professionnelle dans le monde du contrat court. Notre force, en ce sens, c’est d’être multi-marque. Peu importe qu’un salarié travaille pour trois agences d’intérim différentes et une entreprise de propreté : il peut retrouver tous ses contrats et bulletins de paie dans un seul et même espace, dans son Coffreo personnel. C’est pour cette raison que Coffreo n’est pas un simple partenaire technologique, mais bien une solution de services.
Et enfin, où voyez-vous Coffreo dans 15 ans ?
Le jeu de la boule de cristal est toujours risqué. En restant sur le chemin que je trace depuis le début, j’aspire à ce que Coffreo soit reconnu par les salariés temporaires comme la plateforme indispensable pour gérer de façon optimale et le plus simplement possible leurs relations avec leurs employeurs, que ce soient des agences d’intérim ou des sociétés de sécurité, d’évènementiel, de propreté, des traiteurs… D’ici là, Coffreo va poursuivre son expansion européenne et affirmer ainsi sa position unique auprès des salariés temporaires.