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“Nous avions deux choix : être absorbés par une branche plus large ou élargir notre propre champ en intégrant de nouveaux métiers” : entretien avec Philippe Abergel, Délégué Général du Synpase

Hélène Vally, Responsable contenus marketing - 03/04/25

(Mis à jour le 03/04/25)

Philippe Abergel nous explique le rôle du Synpase dans la nouvelle convention collective.

Le Synpase, le Syndicat National des Professionnels de l’Audiovisuel, du Spectacle et de l’Événement, joue un rôle essentiel dans la structuration et la représentation des entreprises du secteur. Philippe Abergel, Délégué Général du Synpase, nous explique le rôle du syndicat dans la création de la nouvelle convention collective nationale, entrée en vigueur le 1er avril. Une interview pour mieux comprendre les avancées majeures pour les sociétés et les salariés de cette branche.

Pouvez-vous nous présenter le Synpase ?

 

Philippe Abergel : Le Synpase existe depuis 1988 et représente les entreprises spécialisées dans les prestations techniques pour le spectacle et l’événementiel : sonorisation, éclairage, structures, vidéo, décor, régie, etc. Nous comptons aujourd’hui environ 350 entreprises adhérentes, ce qui représente 75 à 80 % du chiffre d’affaires du secteur, soit 1,2 milliard d’euros consolidés. Nos adhérents emploient entre 30 000 et 35 000 personnes, qu’il s’agisse d’intermittents ou permanents. Le rôle du Synpase est de défendre, représenter et valoriser ces entreprises, notamment auprès des pouvoirs publics.

En tant que Délégué Général du Synpase, quelles sont vos missions principales ?

 

Philippe Abergel : Depuis 2008, mon rôle est d’animer le syndicat et d’assurer son bon fonctionnement au quotidien. Cela passe par plusieurs missions, à commencer par ma participation aux négociations et discussions autour de la nouvelle convention collective, un enjeu central pour notre secteur. J’accompagne également nos adhérents sur des questions sociales, juridiques et stratégiques, afin de les aider à mieux appréhender les évolutions réglementaires et les spécificités de notre marché.

 

Une autre de mes missions concerne la gestion des labels du Synpase, notamment celui qui est obligatoire pour accéder aux CDD d’usage, ainsi que notre label RSE, qui valorise les bonnes pratiques. J’ai également à cœur de faire connaître et reconnaître les métiers de notre branche. Pour cela, nous publions des articles, participons à des événements et mettons en place diverses actions de communication.

 

Enfin, je travaille au développement du club partenaires du Synpase. Cet espace permet de créer des synergies entre les sociétés de notre écosystème et d’encourager les collaborations, comme avec Coffreo, pour renforcer l’ensemble de la filière.

Le Synpase a joué un rôle clé dans la création de la nouvelle convention collective. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Philippe Abergel : Depuis 2016, nous avons anticipé la volonté du gouvernement de réduire le nombre de branches professionnelles. Nous avions deux choix : être absorbés par une branche plus large, avec le risque de voir nos spécificités disparaître, ou élargir notre propre champ en intégrant de nouveaux métiers.

 

Nous avons opté pour la seconde stratégie, en agrégeant de nouveaux secteurs comme les festivals de cinéma, les entreprises exploitantes de chapiteaux, tentes et structures (CTS), les agences événementielles et les agences de mannequins. Cela nous a permis d’assurer la pérennité de notre branche et de renforcer notre poids dans le dialogue social. Cette convention collective à vocation à couvrir environ 80 000 salariés.

convention collective synpase
Source : Document du Synpase, “Nouvelle convention collective : enjeux et accompagnement”.

Quel a été le principal défi lors de cette négociation ?

 

Philippe Abergel : L’un des principaux enjeux a été de trouver un équilibre entre les acquis des salariés déjà rattachés à la branche et les réalités économiques des entreprises qui la rejoignent. Certains seuils d’indemnités, notamment ceux des indemnités de départ en retraite, étaient trop élevés pour des structures nouvellement intégrées à la branche. Nous avons dû travailler avec les syndicats pour ajuster ces niveaux tout en veillant à préserver les avantages des collaborateurs déjà en place et en permettant aux nouvelles sociétés d’adopter progressivement ces évolutions.

Quels sont les grands bénéfices de cette nouvelle convention collective ?

 

Philippe Abergel : Elle a eu plusieurs effets positifs. D’abord, elle permet d’étendre considérablement le champ de notre branche professionnelle, ce qui nous donne plus d’influence dans les négociations sociales et réglementaires. Cela permet également de mutualiser des dispositifs importants, tels que la prévoyance. Grâce à cette mutualisation, nous pouvons négocier des régimes santé et prévoyance plus avantageux pour près de 80000 personnes.

 

Cette convention a aussi permis la reconnaissance de métiers qui n’étaient pas encore intégrés, comme le Catering. Elle a également joué un rôle clé pour les nouveaux secteurs entrants, qui jusque-là n’avaient pas de convention collective propre. Par exemple, les agences événementielles appliquaient divers textes de manière volontaire, ce qui créait des disparités dans les règles du jeu. L’introduction de cette convention a permis d’établir des règles communes pour tous, assurant plus de cohérence.

 

Par exemple, en ce qui concerne les CDD d’usage, nous avons travaillé pour adapter ces contrats aux spécificités de certains secteurs. Pour les agences événementielles, nous avons introduit le CDI de chantier, un contrat de longue durée de trois ans, qui correspond au rythme de leurs emplois. Ce dispositif est particulièrement pertinent pour des événements comme les JO, où des équipes sont dédiées plusieurs années à l’avance. Bien entendu, des contreparties sont associées à cette flexibilité.

 

En résumé, ce texte a permis de mieux structurer le secteur, tout en assurant une meilleure protection sociale pour les salariés.

Source : Document du Synpase, “Nouvelle convention collective : enjeux et accompagnement”.

Justement, en quoi cette convention va-t-elle améliorer la protection des salariés, et notamment leurs conditions de travail ?

 

Philippe Abergel : D’abord, elle inclut des mesures pour la santé et la sécurité au travail, des domaines qui n’étaient pas suffisamment couverts dans l’ancienne convention. Des garanties supplémentaires ont aussi été ajoutées pour des dispositifs comme le forfait jour et le travail de nuit, afin d’offrir de meilleures contreparties aux personnes concernées.

 

Par ailleurs, cette convention a été mise à jour pour intégrer des enjeux modernes qui étaient peu ou pas du tout abordés en 2008, tels que le droit à la déconnexion ou le télétravail. Nous avons par ailleurs convenu avec les partenaires sociaux d’un agenda social pour les prochains mois sur divers sujets, comme l’intelligence artificielle, les violences sexistes, l’usure professionnelle ou encore la transition numérique. L’objectif était de rendre le texte plus en phase avec les attentes actuelles des collaborateurs et des employeurs.

Quelles actions avez-vous déjà mises en place pour aider les entreprises à appliquer les nouvelles mesures ?

 

Philippe Abergel : Nous avons mis en place plusieurs actions d’accompagnement, et ce dans un délai très court. Habituellement, une convention collective prend environ 12 mois avant d’être étendue mais, cette fois-ci, l’extension a été plus rapide que prévu. En mars 2025, nous avons donc organisé plusieurs visioconférences sur différents thèmes de la convention, comme le contrat de travail, la durée du travail, la formation professionnelle et les régimes mutualisés. Certaines sessions étaient adaptées à des secteurs spécifiques. Nous avons également créé des fiches pratiques et diffusé les replays des vidéos de formation à toutes les entreprises concernées. Enfin, nous sommes disponibles pour répondre aux questions tout au long de l’année.

 

Comment envisagez-vous l’évolution de ce texte dans les mois et années à venir ?

 

Philippe Abergel : Une convention collective évolue constamment. Le champ n’est pas figé, et dans le cadre de la restructuration des branches, certains secteurs pourraient éventuellement rejoindre notre convention s’ils estiment que cela leur correspond mieux. Il est donc possible que le champ d’application de ce texte soit élargi dans les prochains mois.

 

De plus, nous continuons à intégrer de nouveaux sujets en phase avec les évolutions du marché du travail et les nouvelles pratiques sociales. Le but est d’améliorer constamment la convention et de rester à l’écoute des tendances émergentes. Ce qui est certain, c’est que, comme pour la convention précédente, nous souhaitons maintenir un dialogue social de qualité. Nous avons des négociations chaque mois, ce qui permet une adaptation rapide.