Stanislas Surun, vice-président du Synpase (Syndicat National des Professionnels de l’Audiovisuel, du Spectacle et de l’Événement) et DRH du groupe Novelty-Magnum-Dushow, un des leaders des prestations techniques événementielles, a accepté de répondre à nos questions pour évoquer les enjeux que cela représente en termes d’emploi.
Que représente la tenue des JO pour la filière événementielle ?
Les Jeux sont une formidable vitrine pour l’événementiel et le spectacle de par leur dimension, leur visibilité et leur résonance médiatique totalement uniques. Ils vont nous permettre de mettre en lumière notre activité et de faire découvrir nos savoir-faire et les métiers passionnants que nous offrons.
Même si les Jeux ne vont pas directement concerner tous les acteurs de notre marché, je pense qu’ils vont jouer un rôle d’aspirateur à compétences qui va tous nous bénéficier à plus long terme.
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Quels sont les besoins en main d’œuvre pour le secteur événementiel dans le cadre des JO ? Quels défis cela pose-t-il ?
C’est encore relativement difficile à quantifier. En ce qui concerne les professionnels qui relèvent du périmètre du Synpase, nous sommes souvent les prestataires de second rang : nous intervenons en sous-traitance pour des donneurs d’ordre de type agences de communication, qui, eux sont directement fournisseurs de l’organisateur.
Si les appels d’offres du Comité d’organisation sont bien sortis, les appels d’offres de deuxième rang ne sont pas encore finalisés et tardent un peu à nous parvenir. C’est d’ailleurs un message que je souhaiterais faire passer : je pense que le maître-mot pour des JO réussis va être l’anticipation et j’encourage donc vivement l’ensemble des donneurs d’ordre à accélérer au maximum la publication de leurs cahiers des charges.
C’est essentiel pour que nous puissions mettre en place tous les moyens humains et matériels nécessaires pour proposer les prestations irréprochables qu’on est en droit d’attendre pour un tel événement.
Notre filière a une réputation de savoir répondre au dernier moment parce que c’est ce que l’on a toujours fait, c’est notre esprit de service. Le revers de la médaille, c’est que ça a parfois tendance à faire prendre de mauvaises habitudes. Et là, les JO c’est quand même un événement complètement hors normes de par son ampleur, donc ça va être très compliqué de travailler avec un tel mode de fonctionnement.
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Si je prends l’exemple de Novelty-Magnum-Dushow, nous savons déjà que nous gérerons la sonorisation et les écrans pour la cérémonie d’ouverture ou encore les prestations techniques audiovisuelles pour 6 sites olympiques et 17 Fan Zones dans Paris. Mais pour les prestations de plus petite envergure, c’est encore assez flou.
Nous savons plus ou moins que nous allons être sollicités par nombre de nos clients, aussi bien pour des prestations qui relèvent directement des Jeux que pour des prestations annexes, de type villages de pays ou événements d’entreprise, mais les cahiers des charges précis ne sont pas encore finalisés. Plus on aura la confirmation des besoins en amont, mieux on pourra anticiper et sécuriser les moyens adéquats. On demande donc à nos clients de nous passer des commandes en bonne et due forme le plus tôt possible.
Comment faites-vous pour vous préparer malgré ce manque de visibilité ?
On sait déjà que le surcroît d’activité commencera quelques semaines avant le début de l’événement et donc que c’est en gros à partir du mois de juin que l’essentiel des forces va être mobilisé.
En Ile-de-France, en dehors de l’activité qui concerne les festivals, la période juillet-août est traditionnellement plutôt calme, donc il faut se préparer à cette configuration inhabituelle. Je constate que les festivals ont pour leur part plutôt déjà bien anticipé leurs besoins, ce qui est une très bonne chose pour nous permettre de bien nous concentrer sur le reste, et notamment les JO.
Au niveau du Synpase, on discute avec LEVENEMENT, l’association qui représente les agences événementielles pour insister sur la nécessité pour ses membres d’anticiper les besoins.
Nous travaillons aussi avec les JTSE, les Journées Techniques du Spectacle et de l’Évènement, pour organiser une présentation de nos métiers, ou encore avec le salon HEAVENT où nous mettons en place un village métiers. L’objectif, c’est d’attirer de nouveaux talents.
Nous n’avons pas vraiment de problème d’attractivité dans le sens où nos métiers sont plutôt jugés comme passionnants, mais en revanche ils sont assez mal connus et il faut donc mieux les faire connaître. Il y a bien sûr des cycles de formation à mettre en place derrière. Néanmoins, il ne faut pas se leurrer, en 6-8 mois on ne va pas pouvoir faire de ces nouveaux venus des experts. En revanche, on va pouvoir en faire de bons assistants ou de bons techniciens qui pourront ensuite monter en compétence et évoluer dans la branche dans les années à venir.
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Nous faisons également déjà quelques paris sur la logistique. Par exemple, même s’il y a quelques sites en province, l’activité des JO va être essentiellement concentrée sur l’Ile-de-France. Or, dans notre secteur, depuis la crise sanitaire, on constate que beaucoup de professionnels ont fait le choix de quitter la région parisienne. Il va donc falloir être capable de gérer les questions de mobilité et d’hébergement. C’est pourquoi on étudie d’ores et déjà avec des hôtels des solutions pour accueillir nos équipes qui viendront de province.
On regarde également pour faire venir du matériel de l’étranger pour pallier aux manques que l’on risque de constater sur le marché français.
Comment envisagez-vous l’après-JO ? Que deviendront les personnes qui auront intégré la filière ?
Nos estimations sont qu’avant le Covid-19, il nous manquait 5 à 10% de salariés dans la branche pour fonctionner de manière optimale et on en a perdu 10 à 15% de plus pendant la crise sanitaire.
Comme l’activité est depuis lors très fortement repartie et que l’on a retrouvé un niveau d’environ 20% supérieur à celui d’avant-crise, le manque de main d’œuvre s’est très largement accentué est devenu extrêmement problématique. On peut donc se dire que l’on a un gap d’environ 25-30% et qu’il est raisonnable de penser que nous serons en capacité de conserver dans notre secteur tous ceux qui auront mis le pied à l’étrier à l’occasion des JO et qui souhaiteront poursuivre dans cette voie.
Un dernier mot ?
Je voudrais juste ré-insister sur le besoin d’anticipation et le travail en bonne intelligence. C’est la symbiose entre les producteurs, les agences et les prestataires qui fera que nous allons surmonter les difficultés et être en capacité de proposer des spectacles et des événements de grande qualité.